Expropriation pour risque naturel prévisible

Expropriation pour risque naturel prévisible

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La loi Barnier du 2 février 1995 a créé une procédure spécifique d'expropriation, ayant pour seul objectif de protéger les personnes et les biens contre les risques naturels prévisibles.

L'article L.566-1 du Code de l'environnement prévoit que :

"Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L.2212-2 et à l'article L.2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation".

L'expropriation ne peut avoir lieu que si le risque d'inondation invoqué est "prévisible" et par conséquent mentionné dans un Plan de Prévention des Risques d'Inondation (PPRI).

Le juge "ne peut prendre ne compte qu'une servitude ou restriction administrative opposable ... il n'a pas à entrer dans des appréciations subjectives sur un risque physique ou un autre, qu'il n'a pas compétence pour apprécier". En énonçant "qu'à la date d'estimation du bien, le plan de prévention des risques d'inondation n'était plus opposable mais que, cependant, ce risque d'inondation était un risque naturel, physique, objectif, qui ne pouvait être ignoré [et en fondant donc] son estimation du bien exproprié sur de telles circonstances inopérantes", la Cour d'Appel a violé les dispositions du Code de l'expropriation (Cass., Civ., 3è, 13 janvier 2009, n°07-20511).

Dans une expropriation "classique", l'utilité publique est appréciée par application de la théorie dite du bilan "coût-avantage" qui met en balance tous les éléments de l'opération. Dans le cas de l'expropriation de l'article L.566-1 du Code de l'environnement, la condition indispensable de l'utilité publique est que le coût de la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde et de protection des populations (en général la réalisation de travaux sur ou à proximité des immeubles exposés au risque) soit supérieur aux indemnités d'expropriation (CE, 27 juillet 2005, Mme Constancis & Mme Castinel c/ Préfet des Yvelines, n°267195 : "Eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la protection des populations contre le risque d'effondrement des carrières souterraines, l'atteinte à la propriété privée et le coût de l'opération ne sont pas de nature à retirer à l'expropriation constestée son caractère d'utilité publique").

En cas de risque permanent, notamment d'inondation, si le maire peut mettre en oeuvre des mesures "temporaires ou limitées de prévention ou de sauvegarde" au titre de son pouvoir de police administrative (par exemple l'interdiction de l'occupation de l'immeuble dans l'attente de l'acquisition amiable de celui-ci par la commune), ces mesures ne sauraient être prises à titre permanent et définitif. Le maire aurait dû solliciter du préfet la mise en oeuvre de l'expropriation pour risque naturel prévisible (CE, 21 octobre 2009, Mme Roger, n°310470).

Le refus du préfet de mettre en oeuvre la procédure d'expropriation pour risque naturel prévisible serait donc susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat (CE, 14 décembre 1962, Doublet).


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