L’emplacement réservé, outil de gestion foncière pour la réalisation d’ouvrages d’eau et d’assainissement

L’emplacement réservé, outil de gestion foncière pour la réalisation d’ouvrages d’eau et d’assainissement

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Sommaire


Le Code de l’urbanisme (art.L.151-41) prévoit la possibilité d’inscrire un terrain en "emplacement réservé", même s’il se situe en zone constructible, afin d’éviter qu’il fasse l’objet d’une utilisation incompatible avec sa destination future.

Des finalités limitatives

L’emplacement ne peut être réservé qu’en vue d’objectifs spécifiques prévus par le Code de l’urbanisme, et notamment pour la réalisation :

  • De "voies et ouvrages publics dont il [le PLU] précise la localisation et les caractéristiques" ;
  • D’ "installations d’intérêt général à créer ou à modifier".

L’énumération de ces destinations est limitative.

Elle exclut l’institution d’un emplacement réservé poursuivant une autre finalité, notamment :

  • Une finalité à caractère privé (CE, 15 avril 1996, n° 9904383 et 990440) ;
  • La constitution de réserves foncières (CE, 10 juillet 1987, Commune de Feucherolles).

L’implantation d’une station d’épuration peut constituer un des objectifs d’un emplacement réservé.

A été cependant annulée la détermination au sein d’un POS d’un emplacement réservé pour la réalisation d’une station d’épuration au sein d’une zone protégée ND, en zone inondable au confluent de deux rivières, "en raison des inconvénients pouvant résulter pour le milieu naturel du fonctionnement d’une station d’épuration en cas d’inondation" (CAA Nantes, 14 octobre 1998, n°96NT02136), erreur qui n’est pas reconnue si l’emplacement réservé de la station d’épuration au POS est riveraine d’une ZNIEFF (CAA Nantes, 17 février 1999, n°97NT02355).

Des finalités réelles

Au-delà de l’indication de la finalité de l’emplacement réservé dans le PLU, la collectivité doit justifier de l’existence de cet objet, c’est-à-dire d’un projet répondant à l’une des finalités prévues au code de l’urbanisme.

Au stade de l’élaboration et de l’adoption du PLU, le projet, s’il doit être réel, ne doit pas nécessairement être précis (CE, 7 juillet 2008, n°296439).

Cette justification doit être faite non seulement à la date de la délibération approuvant le PLU, mais également au moment de chacune des modifications et révisions du PLU. Ainsi, si le projet qui a motivé initialement le classement est abandonné, ce dernier ne peut être maintenu lors de la révision du document d’urbanisme (CE, 17 mai 2002, n°221186).

L’emplacement réservé au PLU n’est pas illégal, même en l’absence de réalisation du projet plusieurs années après la mise en place de l’emplacement (CAA Nantes, 20 mai 2016, n°15NT01153), dès lors que le projet est réel.

Durée de la servitude d'emplacement réservé

La durée de l’emplacement réservé n’est pas limitée dans le temps, et perdure tant qu’il n’est pas supprimé par modification du PLU.

Bénéficiaire de la servitude

L’emplacement est réservé au profit d’un bénéficiaire déterminé. Dans l’attente de son acquisition par le bénéficiaire, le terrain est inconstructible. La collectivité doit se conformer strictement à la destination de l’emplacement telle qu’elle est prévue au PLU.

L’interdiction de construire est opposable à toute demande, y compris lorsqu’elle émane de la personne bénéficiaire de l’emplacement réservé. Peu importe que le projet ne fasse pas obstacle à la réalisation ultérieure de l’ouvrage prévu (CE, 14 octobre 1991, n°92532).

Cependant, une autorisation de construire peut être accordée si la demande :

  • D’une part, porte sur l’opération en vue de laquelle l’emplacement est réservé ;
  • Et, d’autre part (condition cumulative) si elle porte simultanément sur un autre projet, dès lors que celui-ci est compatible avec la destination de l’emplacement réservé (CE, 20 juin 2016, n°386978).

Conséquences pour le propriétaire du terrain

Une inconstructibilité quasi-absolue

Le classement d’une parcelle en emplacement réservé dans le PLU entraîne l’interdiction pour le propriétaire de construire sur son terrain, à deux exceptions près :

  • La réalisation d’une construction conforme au projet justifiant le classement en emplacement réservé (CE, 19 juillet 2017, n°397944) ;
  • La réalisation de constructions précaires (art.L.433-1 du Code de l’urbanisme), c’est-à-dire de constructions provisoires, temporaires et non définitives.

Le bénéfice d’un droit de délaissement

Le propriétaire peut faire valoir un droit de délaissement. Il lui permet d’exiger du bénéficiaire de la servitude de procéder à son acquisition. Concrètement, le propriétaire adresse une mise en demeure d’acquérir à l’attention de la personne bénéficiaire de l’emplacement réservé.

Dans ce cas, la collectivité destinataire doit se prononcer dans le délai d’un an à compter de la réception en mairie, [guichet unique], de la demande du propriétaire (art.L.230-3 du Code de l’urbanisme).

Si la collectivité accepte d’acquérir le bien, elle doit alors se prononcer dans le délai d’un an, le prix d’acquisition devant être réglé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de la demande du propriétaire.

En l’absence d’accord amiable sur le prix, le propriétaire du terrain ou la collectivité bénéficiaire peuvent saisir le juge de l’expropriation.

Si aucune des deux parties n’a fait le choix de saisir le juge de l’expropriation dans les trois mois à l’expiration du délai d’un an, les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables (art.L.230-4 du Code de l’urbanisme).

Durant ce délai, la personne publique bénéficiaire de l’emplacement réservé a la possibilité d’acquérir finalement le bien. A défaut, la réserve devient inopposable au propriétaire et aux tiers, et ce, même en cas de nouveau document d’urbanisme.

Il s’agit donc d’une inopposabilité définitive, levant automatiquement les limitations de construire sur le terrain. Dans cette hypothèse, la collectivité a l’obligation de supprimer l’emplacement réservé de son PLU. Sans cette suppression, ce dernier sera considéré comme sans objet et inopposable au propriétaire et aux tiers.

Le propriétaire recouvre la pleine jouissance de son bien et peut effectuer l’ensemble des travaux qu’il souhaite, sans que ces derniers puissent être refusés par l’autorité chargée de la délivrance des autorisations d’urbanisme au motif de l’existence ancienne d’un emplacement réservé.

Formalisme

Inscription dans la partie écrite du règlement du PLU

La servitude d’emplacement réservé est matérialisée dans le règlement du PLU (art.L.151-8 du Code de l’urbanisme).

Le règlement est composé d’une partie écrite et d’une partie graphique (art.R.151-10 du Code de l’urbanisme).

L’article R.151-11 précise que :

"les règles peuvent être écrites et graphiques. Lorsqu’une règle fait exclusivement l’objet d’une représentation dans un document graphique, la partie écrite du règlement le mentionne expressément. Tout autre élément graphique ou figuratif compris dans la partie écrite du document est réputé constituer une illustration dépourvue de caractère contraignant, à moins qu’il en soit disposé autrement par une mention expresse".

Il en résulte que, sauf à ce que la partie écrite du règlement d’un PLU en dispose expressément autrement, un emplacement réservé doit nécessairement faire l’objet d’une identification écrite.

Ainsi, les seuls documents graphiques du règlement sont insuffisants à prescrire une servitude d’emplacement réservé :

"Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que les servitudes relatives à l’utilisation du sol ne peuvent être prescrites que par des dispositions réglementaires et que les représentations graphiques du plan d’occupation des sols qui accompagnent ces dispositions ne peuvent par elles-mêmes créer de telles prescriptions" (CE, 19 novembre 2008, n°297382 ; CE, 11 mars 2009, n°312612 ; CE, 26 mai 2010, n°320780).

Une justification en ce qui concerne les emplacements réservés aux voies et ouvrages

L’article L.151-43 du Code de l’urbanisme prévoit que le règlement du PLU doit préciser « [leur] localisation et [leurs] caractéristiques ».

La partie écrite du règlement du PLU doit donc, pour les emplacements réservés aux voies et ouvrages :

  • Justifier en quoi l’inconstructibilité est nécessaire à la réalisation d’une opération de création ou d’aménagement de voies ou d’ouvrages publics ;
  • Préciser la localisation des voies et ouvrages publics ;
  • Préciser les caractéristiques des voies et ouvrages publics.

Le Conseil d’Etat rappelle en effet que :

"Les plans locaux d’urbanisme (...) peuvent (...) / 8° Fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ainsi qu’aux espaces verts (...) ; il appartient aux auteurs d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir sur le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer, notamment, la liste des emplacements réservés pour la création ou l’aménagement des voies et ouvrages publics nécessaires" (CE, 16 mai 2011, n°324967).


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