Le maintien des prairies permanentes

Le maintien des prairies permanentes

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Sommaire


L'obligation de maintien de prairies permanentes, le régime de déclaration/d'autorisation préalable à la conversion ou au retournement de celles-ci et les sanctions associées diffèrent selon les régimes juridiques applicables.

Définitions

Prairie temporaire / Prairie permanente

Une prairie est une formation végétale composée de plantes herbacées, non labourée, souvent destinée à être pâturée ou fauchée.

Si cette prairie est semée pour une durée maximum de 5 ans et qu’elle entre dans un système de rotation agricole, elle sera qualifiée de prairie temporaire

Au contraire, si cette prairie est implantée depuis plus de 5 ans ou qu’elle est naturelle et qu’elle n’entre pas dans un système de rotation, alors elle sera qualifiée de prairie permanente

CONVERSION DE PRAIRIE PERMANENTE

La conversion d’une prairie permanente signifie le passage du couvert permanent de la prairie à une terre arable sur laquelle l’agriculteur effectue ses rotations.

En pratique, la conversion correspond au passage d’une surface déclarée à la PAC en année N en tant que prairie permanente (avec un des codes culture suivant PRL, PPH, SPL, BOP, CAE, CEE, ROS ou J6P) vers une autre catégorie de terre agricole (terre arable, culture permanente…), c’est-à-dire une surface déclarée à la PAC en année N+1 avec un code culture qui n'est pas prairie permanente.

RETOURNEMENT DE PRAIRIE PERMANENTE

Le retournement est l’action consistant à labourer la surface, soit pour resemer une prairie, soit pour une conversion. 

Le retournement d’une prairie permanente pour un re-semis immédiat de couvert herbacé (qui permet le maintien du caractère de "prairie permanente") ne constitue pas une conversion.

Ainsi, même si la Région est en régime d'autorisation, ou en régime d'interdiction et de reconversion, une telle opération est toujours permise, sauf si la surface est, par ailleurs, prairie permanente sensible (cf. infra).

Les règles de la conditionnalité européenne issues de la PAC

La conditionnalité est un ensemble de règles qu’un agriculteur doit respecter pour bénéficier des aides issues de la PAC.

Le versement de certaines aides est conditionné au respect de certaines règles relatives aux prairies permanentes (BCAE 1 + BCAE 9).

Ces règles européennes ont été codifiées dans le code rural et de la pêche maritime.

OBLIGATION DE MAINTIEN DU RATIO RÉGIONAL

Le règlement UE n°2021/2115 du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) (entré en vigueur le 1er janvier 2023) exige un maintien de prairies permanentes sur la base d’un ratio de prairies permanentes par rapport à la surface agricole au niveau national, régional, sous-régional, au niveau du groupe d’exploitations ou de l’exploitation par rapport à l’année de référence 2018, avec la possibilité d'une réduction maximale de 5% par rapport à l'année de référence (BCAE 1).

Dans ce cas, l'objectif est de préserver les stocks de carbone par une mesure de sauvegarde générale contre la conversion vers d'autres usages agricoles.

En droit national, l'article D.614-45 du Code Rural et de la Pêche Maritime (CRPM) prévoit que :

"I.-Le ratio de prairies permanentes mentionné aux paragraphes 1 et 2 de l'article 48 du règlement délégué (UE) 2022/126 de la Commission du 7 décembre 2021 est fixé par le ministre chargé de l'agriculture au niveau régional.

II.-Lorsque la baisse du ratio annuel de prairies permanentes par rapport au ratio de référence est supérieure à 2 % dans une région, l'obtention d'une autorisation préalable individuelle de conversion d'une prairie permanente en un autre couvert est obligatoire pour tout agriculteur souhaitant convertir une prairie permanente localisée dans ladite région. Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture fixe les cas dans lesquels un agriculteur doit obtenir une autorisation individuelle de retournement avant de convertir une prairie permanente ainsi que les critères et conditions auxquels est subordonnée l'obtention de cette autorisation.

III.-Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les situations dans lesquelles, en application du paragraphe 3 de l'article 48 du règlement délégué (UE) 2022/126 de la Commission du 7 décembre 2021, un agriculteur est tenu de réimplanter des prairies permanentes. Cet arrêté définit les catégories d'agriculteurs soumis à cette obligation, les surfaces qui peuvent en être exclues ainsi que les règles permettant de s'assurer que les prairies permanentes ne sont plus reconverties.

IV.-Le respect par les agriculteurs des conditions fixées dans le cadre du système d'autorisation individuelle préalable à la conversion et le respect par les agriculteurs des obligations de réimplantation de prairies permanentes sont vérifiés au titre de la conditionnalité à compter de l'année suivant le constat d'une diminution du ratio supérieure, respectivement, à 2 % ou à 5 %."

Ainsi, si la surface des prairies diminue de 2% à 5% par rapport à la surface de l’année de référence (2015 jusqu'au 31/12/2022 ; 2018 à compter du 01/01/2023), les exploitants sont soumis à un régime d’autorisation. Dans ce cas, les exploitants doivent déposer un dossier de demande d’autorisation auprès de la DDTM avant toute conversion de prairie. Les jeunes agriculteurs pourront avoir des dérogations. Au-delà du seuil de 5%, les conversions de prairie sont interdites.

Le retournement de prairies permanentes avec semi immédiat reste possible, sauf dans les prairies sensibles et prescriptions contraires du PAR "nitrates" (cf. infra).

L'article D.615-35 du CRPM prévoit que :

"Le ratio des prairies permanentes […] est fixé par le ministre chargé de l'agriculture au niveau régional.
Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture fixe les cas dans lesquels […] un agriculteur doit obtenir une autorisation individuelle de retournement avant de convertir une prairie permanente ainsi que les critères et conditions auxquels est subordonnée l'obtention de cette autorisation.
Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les situations dans lesquelles […] un agriculteur est tenu de reconvertir des prairies permanentes. Cet arrêté définit, notamment, les catégories d'agriculteurs soumis à cette obligation, les surfaces qui peuvent en être exclues ainsi que les règles permettant de s'assurer que les prairies permanentes ne sont plus reconverties."

SITUATION ACTUELLE EN NORMANDIE

La Région Normandie n'était plus soumise au régime d’autorisation préalable (et a fortiori, au régime d’interdiction) depuis l’arrêté du 13 novembre 2018.

Cependant, depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 31 octobre 2023, la Région Normandie est de nouveau soumise au régime de l’autorisation préalable.

En effet, la surface de prairies permanentes a diminué de 7,43% pour rapport à l’année 2018 (année de référence), soit une baisse du ratio annuel de 6,45%.

La baisse du ratio annuel étant  supérieure à 5%, tout agriculteur devra déposer une demande d’autorisation préalable à la DDTM avant tout retournement de prairie permanente.

Par ailleurs, des obligations de réimplantation de prairies permanentes sont également imposées par l’arrêté  pour atteindre un pourcentage de baisse de ratio annuel de 4,5%. Les modalités d’application de ces obligations de réimplantation seront connues ultérieurement.

INTERDICTION DE CONVERTIR OU LABOURER DES PRAIRIES PERMANENTES ÉCOLOGIQUEMENT SENSIBLES

Le règlement UE n°2021/2115 du 2 décembre 2021 interdit de convertir ou de labourer les prairies permanentes "écologiquement sensibles" (BCAE 9).

L'objectif est de protéger les habitats et les espèces.

Cette interdiction est prévue en droit national à l'article D.614-53 du CRPM.

Aux termes de cet article, les "prairies permanentes qui présentent un caractère sensible d'un point de vue environnemental sont situées en zone Natura 2000" (art.D.614-53 du CRPM). Consulter les zones Natura 2000 en Seine-Maritime

Un arrêté ministériel désigne les prairies sensibles. Les prairies permanentes sensibles sont disponibles sur la carte interactive Geoportail

En 2023, il a été décidé de maintenir les prairies déjà identifiées comme telles en 2014 et d’ajouter à cette liste les prairies situées sur les territoires classés Natura 2000 depuis 2014.

Ainsi, dès qu’une prairie est qualifiée d'écologiquement sensible, l’exploitant a l’interdiction de les retourner (que ce retournement ait pour finalité la régénération de la prairie ou la conversion en terre arable). 

Sanctions en cas de retournement contraire aux règles de la conditionnalité européenne

L’article D.614-59 du CRPM dispose : 

« Le non-respect des exigences réglementaires en matière de gestion mentionnées à l’annexe III du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021, des exigences relatives […] aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres prévues au paragraphe 1 est sanctionné par une réduction des paiements soumis aux règles de la conditionnalité et de la conditionnalité sociale, dans les conditions prévues par le présent paragraphe ». 

Le contrôle du respect des règles de la conditionnalité est notamment informatique via les déclarations PAC et les photos aériennes prises régulièrement par l’Agence de Service et de Paiements (ASP). 

En cas de retournement de prairie, l'exploitant :

  • Devra reconvertir le terrain en prairie permanente ;
  • Et pourra subir une réduction annuelle d'une partie des aides issues de la PAC jusqu'à remise en herbe effective (art.D.614-25 et suivants du CRPM pour la programmation débutant en 2023 ; art.D.615-45 du CRPM pour la programmation ayant débutée en 2014).

Suite à un constat effectué par l’ASP, la DDTM pourra appliquer la réduction des aides issues de la PAC. 

Régimes de déclaration ou d'autorisation préalable à la conversion

LOI SUR L'EAU - NOMENCLATURE IOTA

La nomenclature IOTA trouve vocation à s’appliquer sur les travaux, remblais, drainages, …, sur une parcelle située en zone humide et affectant un cours d’eau ou le lit mineur ou majeur d’un cours d’eau (obstacle à la continuité écologique, modification du profil, assèchement, …). 

Selon le seuil et le type de travaux effectués sur la prairie permanente, le régime sera celui de l’autorisation ou de la déclaration préalable. 

L’article L.211-1 du code de l’environnement dispose :

"On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année". 

La Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Normandie (DREAL Normandie) a réalisé une cartographie des zones humides de la Région, disponible sur son site internet, via l’application « Carmen »

L’article L.214-1 du même code dispose :

"Sont soumis aux dispositions des articles L.214-2 à L.214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d’alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants".

L’article L.214-3 du même code dispose :

"Sont soumis à l’autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles […]. Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n’étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L.211-2 et L211-3".

La nomenclature IOTA est annexée à l’article R.214-1 du code de l’environnement.

En fonction des seuils de surfaces impactées, l’exploitant pourra être amené à respecter la procédure de l’autorisation ou de la déclaration prévue par le code de l’environnement, avant toute opération impactant la prairie permanente (que ce soit le retournement avant semi directe ou retournement en vue de la conversion). 

Dès lors que la prairie est classée en zone humide, l’exploitant devra se référer aux seuils de l’article 3.3.1.0 de la nomenclature IOTA :

  • Si la surface impactée est supérieure ou égale à 1 ha, l’exploitant devra respecter la procédure de l’autorisation ;
  • Si la surface impactée est supérieure à 0,1 ha mais inférieure à 1 ha, l’exploitant devra respecter la procédure de déclaration ; 
  • Si la surface est inférieure ou égale à 0,1 ha, alors l’exploitant n’est soumis à aucune formalité. 

En cas de non-respect de cette règlementation, l’exploitant s’expose à une sanction pénale : contravention de 5ème classe (1500 € d'amende, 3000 € en cas de récidive) (art. R.216-12 du code de l’environnement).

Le respect de la nomenclature IOTA est contrôlé par le Bureau des Milieux Aquatiques et Marins (BMAM), service placé auprès de la DDTM. Les sanctions pourront être appliquées en cas de constat du non-respect de l’obligation de déclaration ou d’autorisation par le BMAM.

INTERDICTION DANS LES ZONES HUMIDES (PAR NITRATES DE NORMANDIE)

Le Programme d'Action Régional « Nitrates » de Normandie réglemente le retournement et la conversion des prairies classées en zone humide, sur l’ensemble du territoire régional.

Ce régime s’applique en parallèle de la nomenclature IOTA. 

Le PAR Nitrate de Normandie (novembre 2018 - 9ème mesure) prévoit que :

"Sur l’ensemble de la zone vulnérable des départements de l’Eure et de la Seine-Maritime, la suppression des prairies permanentes humides est interdite. Les prairies humides sont les surfaces déclarées en prairies permanentes en 2013 (PN et PX), incluses dans les zones humides recensées pour leur rôle positif sur la dénitrification."

Ainsi, dans les zones vulnérables, la destruction de prairies permanentes (conversion) est interdite. Le labour est autorisé sauf entre le 1er octobre et le 31 janvier pour permettre à la prairie de se régénérer. 

Par ailleurs, un communiqué de presse du Service Régional et Départemental de la Communication Interministérielle (SRDCI) du 10 septembre 2018 rappelle que l’arrêté PAR « Nitrates » Normandie s’applique sur l’ensemble des communes classées en zones vulnérables, ce qui concerne la Région Normandie dans son intégralité. 

Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions pénales. 

L’article R.216-10 du code de l’environnement dispose que :

"Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5ème classe le fait de ne pas respecter, dans les zones vulnérables, les mesures du programme d’actions national et des programmes d’actions régionaux, […] sauf dérogation […]".

Des sanctions administratives peuvent également être appliquées (art.L.171-8 du code de l’environnement).

Différents services sont chargés de contrôler le respect du PAR “Nitrates”, notamment la DDTM, l’OFB et la DDPP. Ces contrôles peuvent être inopinés ou sur signalement. 

En cas de constat d’un manquement à cette réglementation, la DDTM est compétente pour appliquer les sanctions PAC (cf. supra) et les sanctions administratives (notamment amende administrative assortie d’une astreinte journalière jusqu’à remise en herbe effective).

L’OFB est compétent pour faire application des sanctions pénales (amendes pouvant aller de 1 500€ à 3 000€ en cas de récidive). 

Toujours est-il qu’en cas de modification du PAR « Nitrates » de Normandie autorisant le retournement et la conversion des prairies classées sur le territoire régional, la nomenclature IOTA reste en vigueur et doit être respectée. 

Il est à noter que le PAR « Nitrates » de Normandie est actuellement en cours de révision. Le prochain PAR devrait mettre à jour la liste des prairies concernées, la révision se faisant de manière ponctuelle.

NB : La Chambre de l’agriculture réalise des conventions avec les collectivités pour que des rappels de cette réglementation soient effectués auprès des exploitants. Les animateurs BAC interviennent également auprès des agriculteurs, notamment pour leur rappeler cette réglementation. 

Périmètres de protection des captages d'eau potable

L’article L.1321-2 du code de la santé publique dispose que :

"En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à la consommation humaine mentionné à l'article L.215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété et un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux.

Pour les points de prélèvement qui ne sont pas considérés comme sensibles au sens de l'article L.211-11-1 du même code, un périmètre de protection éloignée peut être adjoint aux périmètres de protection immédiate et rapprochée. A l'intérieur du périmètre de protection éloignée, peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés.".

En savoir plus sur les périmètres de protection des captages d'eau potable

L’article R.1321-13 du même code prévoit que :

"A l’intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d’entraîner une pollution de nature à rendre l’eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l’objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l’acte déclaratif d’utilité publique. Chaque fois qu’il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées".

Aussi, les arrêtés préfectoraux peuvent prescrire la remise ou le maintien en prairie dans les Périmètres de Protection Rapprochée (PPR).

Ces prescriptions sont obligatoires et l’Agence Régionale de la Santé (ARS) peut réaliser un contrôle administratif, voire solliciter l’OFB pour réaliser un contrôle judiciaire, si elle estime cela nécessaire.

Par ailleurs, l’article L.211-5 du code de l’environnement dispose :

"Le préfet et le maire intéressés doivent être informés, dans les meilleurs délais par toute personne qui en a connaissance, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux.

La personne à l'origine de l'incident ou de l'accident et l'exploitant ou, s'il n'existe pas d'exploitant, le propriétaire sont tenus, dès qu'ils en ont connaissance, de prendre ou faire prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la cause de danger ou d'atteinte au milieu aquatique, évaluer les conséquences de l'incident ou de l'accident et y remédier.

Le préfet peut prescrire aux personnes mentionnées ci-dessus les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité et, notamment, les analyses à effectuer".

Il est possible de s’appuyer sur cet article lorsqu’il y a un fort risque pour l’environnement, et notamment un impact direct sur le captage.

Dans ce cas, une procédure de contrôle et de sanction peut être engagée. 

En pratique, la collectivité intervient d’abord pour mettre en œuvre une réponse administrative. Après une mise en demeure infructueuse, elle peut appliquer des sanctions administratives, notamment une amende administrative assortie d’une astreinte journalière jusqu’à remise en herbe (art. L.171-8 du Code de l'environnement). 

En cas d’application des sanctions administratives, l’ARS et l’OFB peuvent également engager des poursuites pénales. L’article L.1324-3 du code de la santé publique dispose : 

“I.-Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende le fait : 
[...]
4° De ne pas se conformer aux dispositions des actes portant déclaration d’utilité publique ou des actes déclaratifs d’utilité publique mentionnés à l’article L.1321-2”.
 

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Règlementation locale

Même si les exploitants ne sont pas soumis au régime d’autorisation préalable, des règles locales peuvent venir encadrer le retournement ou la conversion des prairies permanentes.

OBLIGATION DE DIAGNOSTIC RUISSELLEMENT/ÉROSION PRÉALABLE AU RETOURNEMENT (SEINE-MARITIME)

En Seine-Maritime, l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2014 modifié le 1er décembre 2015 impose à tout exploitant agricole de demander un diagnostic érosion-ruissellement auprès du syndicat de bassin versant compétent, avant tout projet de retournement et/ou de retournement avant conversion d'une prairie permanente.

L'article 1er de l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2014 modifié prévoit que :

"Un exploitant agricole qui projette de retourner une prairie permanente, ou une prairie temporaire n’entrant pas dans la rotation, en informe le syndicat de bassin versant où est située la prairie, ou une autre structure assimilée compétente, afin que ce dernier réalise un diagnostic de l’ensemble des risques.

Ce diagnostic a pour objet d’informer l’exploitant sur le niveau de protection environnemental assuré par cette parcelle en herbe et, le cas échéant de ce qu’il convient de faire pour assurer ce même niveau de protection.

En l’absence de réponse dans un délai d’un mois suivant la date écrite, l’avis est réputé favorable."

Un protocole de mise en œuvre de l'arrêté préfectoral (version février 2022) précise les conditions de mise en œuvre de l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2014.

Ce protocole précise que :

"Le SBV informe la DDTM des suites données aux avis afin de pouvoir suivre et établir le bilan des demandes, expertises, et du respect des avis par les exploitants.

En cas de non-respect de l’avis émis par un SBV dans une zone non soumise à la procédure ZSCE, la DDTM rédige un courrier, co-signé par la Chambre Départementale et l’ASYBA, à destination de l’exploitant. Ce courrier doit informer l’exploitant des enjeux liés à son retournement et des risques associés.

En cas de risque manifeste d’atteinte à la sécurité ou la salubrité publique, la DDTM examine au cas par cas toutes les possibilités juridiques de mesures contraignantes au regard du droit en vigueur."

L’exploitant n’est pas obligé de suivre cet avis. La seule obligation réside dans la demande d’avis elle-même. 

 

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Dans le cas d’une Zone Soumise à Contraintes Environnementales (ZSCE), cet arrêté pourra permettre de rendre obligatoire le respect de l’avis des SBV, après 3 ans d’un premier programme d’actions arrêté (paragraphe 7 du protocole de mise en œuvre).

Dans la ZSCE, l’avis du SBV est rendu obligatoire, et celui-ci notifie son avis à l’exploitant avec la collectivité compétente en eau et la DDTM en copie. Cet exploitant dispose d’un délai d’un an pour réaliser les éventuels aménagements.

En cas d’avis défavorable du SBV, d’avis favorable du SBV sous réserve de certains aménagements, et sur signalement d’un SBV en cas de non-respect de son avis, des contrôles administratifs seront réalisés par la DDTM.

En cas de non-respect de l’avis constaté suite à un contrôle de la DDTM, le paragraphe 8 du protocole de mise en œuvre prévoit des sanctions administratives (art.L171-8 du code de l’environnement) et pénales (art.R.114-10 du CRPM). Des poursuites judiciaires peuvent être engagées par l’Office Française de la Biodiversité.

L’exploitant risque : 

  • L’obligation de consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des travaux ou opérations prescrits par la DDTM, avant une date qu’elle aura fixée ;
  • L’exécution d’office des mesures prescrites par la mise en demeure et aux frais de l’exploitant ;
  • La suspension de son activité jusqu’à l’exécution complète des mesures prescrites par la mise en demeure et la mise en place des mesures conservatoires nécessaires à ses frais ;
  • Une amende administrative de 15 000€ maximum et une astreinte journalière de 1 500€ maximum applicable à compter de la notification de la décision fixant cette sanction et jusqu’à la satisfaction des mesures prescrites par la mise en demeure ;
  • Une sanction pénale correspondant à une contravention de 5ème classe (1500 € d'amende, 3000 € en cas de récidive).

Cette démarche liée à la ZSCE est possible sur les captages sensibles. Néanmoins, actuellement, elle se fait exclusivement sur les captages prioritaires.

A titre d’exemple, le respect de l’avis a pu être rendu obligatoire sur 3 territoires BAC : Limésy, Héricourt et Fécamp, Fauville, Valmont .

NB : En pratique, il est rare que l’avis soit défavorable. Souvent, les SBV rendent des avis favorables sous réserve de prescriptions pour prendre en compte les enjeux économiques pour les agriculteurs. Le problème se pose quant à l’objectif de prévention de ce dispositif. En effet, souvent, le retournement de prairies permanentes sans avis préalable des SBV est constaté après la survenance du risque que l’avis était supposé éviter. 

Documents d'urbanisme

Les documents annexés au PLU ou à la carte communale peuvent réglementer la délivrance des autorisations d’occupation des sols et peuvent avoir un impact sur le retournement et la conversion de prairies permanentes : par exemple le règlement du SAGE et le PPRI.

Le Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE - art.L.212-3 à L.212-11 et art.R.212-26 à R.212-48

Le SAGE est institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère. Il fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau (art.L. 211-1) et la préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole (art.L. 430-1).

Le SAGE est constitué d'un Plan d’Aménagement et de Gestion Durable (PAGD) et d'un Règlement. Si les documents d'urbanisme doivent seulement être compatibles avec le PAGD, en revanche ils doivent être conformes au règlement du SAGE (CE, 25 septembre 2019, n°418658). Ce règlement peut édicter des obligations, notamment concernant les prairies sensibles, qui s’imposeront dans le cadre de la délivrance des autorisations délivrées.

Le PPRI (art.L.562-1 à L.562-9 et art.R.562-1 à R.562-11-9)

L'ensemble des servitudes d'utilité publique instituées par un PPRI sont immédiatement opposables aux décisions relatives à l'occupation du sol pendant une durée d'un an à compter de l'approbation de ce plan. Cependant, seules les servitudes expressément annexées au PLU demeurent opposables au-delà de ce délai. L'opposabilité de la servitude instituée par un PPRI aux demandes d'autorisation d'occuper le sol est ainsi subordonnée à son annexion dans le délai d'un an au PLU et à la régularité de sa publication (CAA Marseille, 09 février 2017, n°15MA02991).

Dans le cadre des prairies permanentes, le PPRI peut donc limiter le retournement ou la conversion de ces prairies, selon ce qu’il prévoit. Cette limitation s’impose donc non seulement aux documents d’urbanisme, mais aussi aux différents régimes d’autorisation.

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